Chronique
Préalable – le congé
Le congé est défini comme étant la manifestation unilatérale de volonté par laquelle l’une des parties déclare mettre fin au bail. Il s’agit d’un acte réceptice : il importe donc de s’assurer que son destinataire en a eu ou aurait pu en avoir connaissance dans le délai requis. Le congé doit donc avoir atteint son destinataire trois mois au moins avant l’expiration du terme convenu (congé notifié par le preneur).
Depuis l’entrée en vigueur du décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation, le congé est désormais soumis à des formalités de notification : celui-ci doit être transmis soit par envoi recommandé, soit par exploit de huissier, soit par remise entre les mains du (des) des destinataire(s) ayant signé le double avec indication de la date de réception. En cas d’envoi recommandé, il doit être tenu compte du jour de la présentation du pli recommandé au domicile.
Il importe peut que le preneur ait été absent à cette date et qu’il n’ai été rechercher le pli recommandé au bureau de poste que quelques jours plus tard (J.P. Binche, 6 février 2020, J.J.P., 2020/7-8).
Le congé notifié à un locataire marié qui affecte le lieux loués au logement principal de sa famille ne vaut que pour autant qu’un second congé ait été adressé séparément à son époux lorsque le bailleur à la connaissance effective de leur mariage. A l’inverse, le bailleur sera attentif de la réception d’un congé notifié par un seul des époux. Dans ce cas, le congé est, en principe, nul. L’époux dont celui-ci n’émane pas peut demander au tribunal de la famille afin de prononcer la nullité du congé conformément à l’article 224, 1°, de l’ancien Code civil.
Résiliation par le bailleur
Comme c’était le cas en matière de bail de droit commun, le bailleur peut résilier anticipativement le contrat de bail sous certaines conditions.
Ainsi, cette faculté lui est offerte pour occupation personnelle, travaux et sans motifs. La durée du préavis et les indemnités dues diffèrent selon le motif notifié par le bailleur.
Le bailleur dispose d’une faculté de résiliation pour occupation personnelle moyennant un préavis de six mois, et ce, à tout moment.
Il dispose également d’une faculté de résiliation anticipée pour :
– reconstruction, transformation, rénovation du bien loué
– ou sans motif
Cette faculté n’est permise qu’à l’expiration du premier ou deuxième triennat et moyennant un préavis de 6 mois.
En cas de résiliation sans motif, le bailleur est tenu de verser une indemnité de 6 mois ou 9 mois selon que le congé ait été donné durant la fin du premier ou du deuxième triennat
Le preneur, quant à lui, est autorisé à mettre fin au bail à tout moment moyennant un préavis de 3 mois.
Le preneur sera redevable d’une indemnité en cas de résiliation du bail durant le premier triennat. Cette indemnité est équivalente à 1 mois, 2 mois ou 3 mois selon que le congé est notifié durant la première, deuxième ou troisième année.
Congé pour occupation personnelle – Le congé donné au preneur pour occupation personnelle est encadré strictement par la loi. Cette occupation doit être réalisée par le bailleur lui-même mais également par des parents, par son conjoint, son cohabitant légal ou des parents de ceux-ci, y compris les collatéraux jusqu’au troisième degré. Ainsi, le bailleur doit communiquer l’identité de la personne qui occupera le bien et son lien de parenté. Cette formalité substantielle permet de pouvoir vérifier si dans les faits, la personne occupant les lieux est bien l’une des personnes visées par le législateur. Il s’agit donc non seulement d’apporter la preuve de l’identité de la personne, mais également de son lien de parenté avec le bailleur.
Le décret a ajouté aux personnes pouvant occuper le bien le cohabitant légal du bailleur et les parents de celui-ci, y compris ses collatéraux jusqu’au troisième degré.
L’indication exhaustive dans le congé que le bien sera occupé par « un membre de la famille » semble rencontrer la volonté du législateur. Le juge de paix de Merksem a considéré que le congé respectait l’article 3, §2 de la loi sur le bail de résidence principale en admettant qu’il soit possible de substituer à la personne indiquée dans le congé une autre personne pour autant que cette personne présente un lien de parenté régi par l’article 3, §2 de ladite loi.
En conséquent, la seule mention de « membre de la famille » dans le congé suffit pour autant que ce membre soit l’une des personnes visées par le législateur.
Si le bailleur n’occupe pas les lieux conformément au congé transmis au locataire, il lui est possible d’invoquer des circonstances exceptionnelles permettant de justifier le non-respect de son obligation.
En effet, il lui est possible d’échapper à l’indemnité sanction s’il justifie de circonstances exceptionnelles l’ayant empêché d’occuper les lieux ou de maintenir son occupation dans les lieux durant deux ans. Bien entendu, ces circonstances doivent être non seulement postérieures à la notification du congé, mais également imprévisibles.
Il n’est cependant pas nécessaire d’invoquer un cas de force majeure.
Le tribunal de première instance de Liège a ainsi défini ces circonstances comme normales, pratiques ou humaines qui peuvent empêcher la réalisation de l’occupation projetée (Liège, 29 juin 2005, J.J.P., 2006).
Ont ainsi été admis comme circonstances exceptionnelles, le jugement confiant la garde des enfants à l’ex-femme du bailleur habitant à Majorque. Ce dernier, voulant se rapprocher de ses enfants, n’a pas occupé les lieux (J.P. Jodoigne, 28 avril 2016) ; la conclusion d’une nouvel union alors que les lieux sont trop étroits pour accueillir les membres de la famille recomposée (J.P. Alors, 13 décembre 1995, R.W. 1999-2000).
Notons également que la charge de la preuve de la non-réalisation de l’occupation incombe au preneur qui prétend avoir droit à l’indemnité de 18 mois de loyer. (J.P Fontaine l’Evêque, 26 janvier 2016, JLMB, 2016/38)
Enfin, si le bailleur renonce à sa faculté de résilier le bail pour occupation personnelle, il est nécessaire de prouver le caractère certain de la renonciation.
Caractère irrégulier du congé donné par le bailleur pour une date antérieure à celle prévue par la loi
Lorsque le bailleur adresse un congé à son locataire en indiquant une date erronée lors de laquelle le bail prendra fin, il est admis que cette erreur ne constitue pas un motif valable permettant au bailleur de se dédire du congé ainsi notifié lorsque le locataire entend s’en prévaloir ( et notamment bénéficier de l’indemnité prévue par la loi en présence d’un congé qui n’est pas motivé ni par l’occupation personnelle, ni par la réalisation de travaux). Dès lors, le congé n’est pas nul, mais ne sort ses effets qu’à l’expiration du délai visé par la loi ou le décret (par exemple à l’expiration du triennat en cours, lorsque le bailleur a donné un congé sans motifs) (J.P. Zoutleeuw, 21 février 2019, J.J.P., 2019/7.
La Cour de cassation a ainsi confirmé qu’un congé qui n’est pas donné en temps utile avant la date de l’échéance du bail n’est pas frappé de nullité, mais ne peut mettre fin au bail à cette date d’échéance. Ainsi, le défaut de résiliation d’un bail de courte durée en temps utile a pour conséquence que celui-ci doit être réputé conclu pour une durée de neuf ans (Cass, 22 avril 2005, R.W., 2007-2008).
Contre-préavis du preneur
Lorsque le bailleur met fin au bail pour occupation personnelle, travaux ou sans motif conformément aux §2 à 4 de l’article 55 du décret, le preneur est autorisé à notifier un contre-préavis moyennant un congé d’un mois. Dans cette hypothèse, le preneur n’est redevable d’aucune indemnité.
Le bailleur ayant remis un congé préalable est-il toujours tenu à payer une indemnité au preneur, ayant notifié un contre-préavis, en cas de non-réalisation du motif du congé?
Cette question a été débattue tant en doctrine qu’en jurisprudence.
Tout d’abord, la Cour de cassation avait répondu par la négative dans un motif d’occupation personnelle (Cass., 22 juin 1998, J.J.P., 2001/8). Cependant, la cour constitutionnelle a conclu à une différence de traitement non justifiée par l’interprétation de la Cour de cassation (C. Const, 26 novembre 2009, Huur, 2010).
En conséquence de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation s’est ravisée et s’est conformée à l’interprétation de la cour constitutionnelle.
Dans son arrêt du 12 janvier 2015, elle a estimé que le contre-préavis du preneur (suite au congé sans motif notifié par le bailleur) ne fait pas obstacle à l’indemnité due par le bailleur fixée à l’article 3, §4 de la loi, et ce même si le bail prenait fin à la suite du contre-préavis (Cass., 12 janvier 2015, R.G., Pas., 2015/13).
Cette conclusion devrait également être suivie en cas de congé pour occupation personnelle ou pour travaux.
Clause de résiliation anticipée
L’insertion d’une clause de résiliation anticipée dans les baux de résidence principale a fait l’objet de nombreuses controverses.
Certains ont admis ces clauses sur le fondement de la liberté contractuelle et sur base que ni le texte légal, ni les travaux préparatoires n’interdisaient expressément l’ajout de ces clauses.
Certaines juridictions ont quant à elles été plus nuancées à ce sujet en les acceptant que si elles répondaient aux §2 et 3 de la loi du 20 février 1991 sans en prévoir d’autres (J.P. Anvers, 24 février 2005, R.W., 2006-2007) ou lorsqu’elles étaient favorables au preneur (J.P. Ixelles, 5 avril 2005, Huur, 2005).
La Cour de cassation a ainsi confirmé l’acceptation de telles clauses uniquement lorsque ces dernières ont été rédigées dans l’intérêt du preneur (Cass., 18 décembre 2015, Pas., 2015/12).
Cependant, il semble qu’aujourd’hui, cette controverse ait perdu tout intérêt suite à la régionalisation du bail et l’entrée en vigueur du décret wallon et de l’ordonnance bruxelloise (en ce qui concerne les baux de courte durée affecté à la résidence principale du preneur).
En effet, ces lois prévoient désormais la faculté pour chacune des parties, à des conditions et modalités distinctes, de mettre fin anticipativement au contrat de bail de courte durée, même en l’absence d’une clause stipulée à cet effet. Toutefois, cette controverse pourrait ne pas être terminée à Bruxelles. En effet, l’ordonnance bruxelloise distingue les baux d’une durée égale ou supérieure à six mois de baux d’une durée inférieure à six mois pour lesquels aucune faculté de résiliation anticipée n’est légalement prévue par l’article 239 du Code bruxellois du Logement.
Résiliation amiable du bail déduite du comportement des parties
En tant que contrat synallagmatique, le bail de résidence principale peut prendre fin de commun accord.
En effet, aucune disposition légale ne s’oppose à ce que les parties résilient de commun accord un bail de courte durée. (Cass., 22 décembre 2016, Larc. Cass.)
La résiliation amiable peut également se déduire du comportement des parties.
Dans un jugement du 21 mars 2018, le tribunal Hainaut a du trancher cette question en se positionnant soit sur la poursuite du bail malgré le départ du locataire, sur la cession du bail à un tiers ou sa résiliation de commun accord.
Elle statue en ce sens que « le bailleur qui ne réagit ni aux courriels du locataire exprimant son intention de partir, ni à la restitution des clés, ni même à l’entrée dans les lieux d’un repreneur est considéré comme ayant accepté tacitement à la résiliation du bail » Hainaut (Trib. Hainaut, jugement du 21 mars 2018, JLMB, 2019).
Néanmoins, le tribunal considère que bien que la cession du bai à un repreneur s’avère être la meilleure solution pour les parties, en ce qu’elle permettait d’assurer au bailleur la persistance du paiement des loyers, celle-ci ne pouvait être retenue du fait que le bail exigeait l’accord exprès et écrit du bailleur pour toute cession du bail.
Indemnité de relocation
L’indemnité de relocation est vue juridiquement comme une clause pénale. Il s’agit d’une indemnité constituée du prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation lorsque celui-ci a été résolu à la suite de la faute du locataire, prévue à l’article 1760 de l’ancien code civil.
Cette faculté a été supprimée dans le décret concernant les baux d’habitation mais son contenu a été repris à l’article 19 dudit décret, le terme résiliation ayant été corrigé par « résolution »: » En cas de résolution par la faute du preneur, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l’abus« .
Elle peut être déterminée dans le contrat de bail (indemnité de relocation conventionnelle).
Comme toute clause pénale, le juge dispose d’un pouvoir de réduction de telles clauses et ce, conformément à l’article 1231 du code civil.
Le juge de paix de Gand a confirmé tant la validité de telles clauses que son pouvoir de réduction par rapport au préjudice réellement subi. Elle rappelle que ces clauses ont une fonction purement indemnitaire et qu’en conséquence, elle ne pouvait avoir pour but d’enrichir le bailleur mais uniquement réparer un préjudice subi suite à la résiliation anticipée (les locataires avaient mis fin de manière irrégulière au bail – clause pénale sanctionnant donc un comportement fautif de la part des preneurs).
le juge a donc dû analyser le dommage réellement subi par le bailleur et le caractère potentiellement excessif de la clause pénale (J.P. Gand, 13 juillet 2001, RW, 2002-2003).
Cette indemnité doit être distinguée de l’indemnité due en cas de résiliation anticipée (indemnité de dédit).
Le juge de paix de Tournai dans son jugement du 14 novembre 2001 a établi que « faute d’indemniser un préjudice, cette indemnité ne s’apparente pas à une clause pénale mais à la contrepartie d’une faculté de résiliation unilatérale prévue dans le bail ».
Néanmoins, le juge a pris en compte le fait que le bailleur n’avait subi aucune perte locative, qu’il n’avait pas dû réaliser de travaux de remise en état, ni fait appel à une agence immobilière pour la relocation. Dès lors, le tribunal a constaté un abus de droit de la part du bailleur en réclamant au locataire-sortant l’indemnité forfaitaire de trois mois de loyer. Le juge a donc finalement sanctionné ce comportement abusif en réduisant cette indemnité.
Le juge de paix de Waremme a établi une tout autre argumentation en constatant que « si le bail réserve conventionnellement au preneur la faculté de quitter les lieux anticipativement, il soumet cette possibilité à des conditions que seul le bailleur peut déterminer : soit une cession du bail à un nouvel occupant ou à l’exigence d’un préavis et le paiement d’une indemnité de résiliation. Qu’en l’espèce, il n’a pas été contesté que les lieux ont été remis immédiatement en location et par ailleurs, reloués à une tierce personne avant le départ du locataire et que selon le juge de paix, nous sommes en présence de la première hypothèse (cession du bail) et non de la seconde. Elle en conclut que l’allocation de l’indemnité de résiliation serait inéquitable dans la mesure où le bailleur n’a subi, in fine, aucun dommage (…) ». (J.P. Waremme 8 novembre 2001 JLMB)
Cette décision semble étonnante, car comme l’a rappelé à bon droit le juge de paix de Tournai, l’indemnité de résiliation anticipée prévue dans le bail ne vient pas réparer un préjudice subi par la bailleur, mais plutôt une contrepartie de l’exercice du droit de résiliation conventionnel.