1. Dispositions légales
Région wallonne – Décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation
Article 9.
§1er Sauf dans l’hypothèse d’un bail à rénovation, l’habitation louée répond aux exigences de sécurité, de salubrité et d’habitabilité visées aux articles 3 à 4bis du Code wallon de l’habitation durable.
§2. Si l’habitation louée ne répond pas aux exigences élémentaires visées au paragraphe 1er, et si le bailleur, préalablement mis en demeure, n’exécute pas les travaux nécessaires pour mettre le bien loué en conformité, le preneur, lorsque la non-conformité ne lui est pas imputable, peut soit exiger l’exécution de ces travaux, soit demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts.
En attendant l’exécution des travaux, le juge peut accorder une diminution du loyer.
Région de Bruxelles-Capitale
Art. 219. – Etat du bien loué
§1er. Le bailleur est tenu de délivrer le bien loué en bon état de réparations de toute espèce.
§2. Le bien loué doit répondre aux exigences élémentaires de sécurité, de salubrité et d’équipement des logements visées à l’article 4 ou arrêtées en exécution de cette disposition sous peine des sanctions prévues aux articles 8 et 10.
Cette condition s’apprécie à tout moment.
§3. Sans préjudice des sanctions prévues aux articles 8 et 10, si les conditions du paragraphe 2 ne sont pas remplies, le preneur a le choix, lorsque la non-conformité ne lui est pas imputable, soit d’exiger l’exécution des travaux nécessaires pour mettre le bien loué en conformité aux exigences de ce paragraphe 2, soit de demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts.
En attendant l’exécution des travaux, le juge peut accorder une diminution du loyer.
En cas de résolution du bail aux torts du bailleur, le juge peut inclure dans les éventuels dommages et intérêts dus au preneur, le montant des frais de relogement de celui-ci, tels que les frais de déménagement.
§4. Sans préjudice de tous dommages et intérêts à charge de l’une ou l’autre des parties, lorsqu’un logement est frappé d’une interdiction en application de l’article 8, le bail s’y rapportant conclu antérieurement à l’interdiction, est caduc de plein droit.
Sans préjudice de tous dommages et intérêts à charge du bailleur, si le bien est loué après avoir été frappé d’une interdiction à la location en application de l’article 8 et sans que cette interdiction n’ait été levée, le bail est nul de plein droit.
Le bail n’est toutefois pas nul de plein droit si, à l’échéance du délai dans lequel le Service d’inspection régional [2 du Service public régional de Bruxelles]2 doit se prononcer quant à la délivrance de l’attestation de contrôle de conformité, le bailleur a mis en demeure ce service de se prononcer dans un délai de six semaines minimum et que celui-ci n’a pas rendu sa décision au terme de ce délai.
En cas de caducité ou de nullité du bail, le juge peut inclure dans les dommages et intérêts éventuels dus au preneur, le montant des frais de relogement de celui-ci, tels que les frais de déménagement, pour autant que l’interdiction à la location soit due à une faute imputable au bailleur.
§5. Par dérogation au paragraphe 3, le juge civil prononce la nullité du bail conclu par un bailleur ayant, depuis moins de dix ans, encouru, en état de récidive, une condamnation en application du chapitre IIIquater du titre VIII du livre 2 du Code pénal si le bien ne respecte pas les normes visées au paragraphe 2. (…)
2. Chronique
Les normes régionales d’habitabilité, d’insalubrité
Le bailleur détient une obligation de délivrance, en ce compris le respect de normes de salubrité et d’habitabilité.
L’article 7, 1° du décret impose au bailleur de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce.
Comprends également l’obligation de délivrer le bien loué en conformité aux normes de sécurité, salubrité et d’habitabilité.
Avant l’entrée en vigueur du décret, les exigences de salubrité ne concernaient que les baux relatifs à la résidence principale du preneur et ne s’appréciaient qu’au moment de l’entrée en jouissance du preneur.
Désormais, tout immeuble donné en location et destiné à l’habitation doit répondre adéquatement aux normes de salubrité, et ce, pour toute la durée du bail, exception faite au bail de rénovation.
A Bruxelles, les critères de sécurité, de salubrité et d’équipement des logements sont définis à l’article 4 du Code bruxellois du Logement, lesquels sont encore précisés à l’arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 septembre 2013.
Le nouvel article 219, ayant un caractère impératif, dispose au surplus qu’en cas de manquement à ces derniers, le preneur a le choix, lorsque la non-conformité ne lui est pas imputable, soit d’exiger l’exécution des travaux nécessaires pour mettre le bien loué en conformité aux exigences énoncés ci-avant, soit de demander le résolution du contrat avec dommages et intérêts. En cas d’exécution des travaux, le juge peux accorder une diminution du loyer visant à compenser la perte de jouissance du bien loué.
En région wallonne, les critères de sécurité, de salubrité et d’équipement des logements sont définis aux articles 3 à 4bis du Code wallon de l’habitation durable. Le nouvel article 9 du décret est sensiblement similaire à celui repris à l’article 219 du Code bruxellois du Logement en ce qu’il prévoit que si l’habitation louée ne répond pas aux exigences élémentaires (infra) et si le bailleur, préalablement mis en demeure, n’exécute pas les travaux nécessaires pour mettre le bien loué en conformité, le preneur, lorsque cette non-conformité ne lui est pas imputable, peut soit exiger l’exécution de ces travaux, soit demander la résolution du contrat avec dommages et intérêts. Une diminution du loyer peut lui être également accordée.
L’option du preneur face à l’insalubrité
L’option faite au preneur reflète parfaitement l’application du principe dégagé par l’article 1134 de l’ancien code civil en cas de manquement d’une partie au contrat à ses obligations légales : l’exécution de ses obligations ou la résolution du bail.
Le recours préalable au juge est nécessaire afin qu’il puisse contrôler la nécessité des travaux afin d’éviter que le preneur n’abuse de cette situation. Bien que le juge soit lié au choix du locataire, il garde néanmoins son appréciation souveraine quant à l’éventuel abus de droit de la part du preneur face à l’option qui lui est offerte.
De plus, si l’exécution des travaux est sollicitée par le preneur, le juge pourra accorder une diminution du loyer dès lors que la mise en conformité serait susceptible d’entraver la jouissance paisible des locataires (sous réserve d’un éventuel abus de droit).
Délai de mise en oeuvre de l’option offerte au preneur
Le juge devra user de sa liberté d’appréciation dans l’intérêt des deux parties. Il est normal que si le preneur constate le vice ab initio et intente une action bien plus tard, sa demande risque, en principe, de ne pas aboutir.
Quoi qu’il en soit, il semble qu’aucune réponse uniforme soit constatée à ce jour. Certaines juridictions admettent une renonciation tacite du droit d’invoquer l’option qui est offerte en vertu de la loi lorsque les preneurs n’émettent aucune réserve quant à l’état du bien loué et continuent à payer leur loyer.
Néanmoins, une telle réponse de manière systématique viendrait à rendre l’objectif de la protection superflue.
La tendance jurisprudentielle estime d’ailleurs qu’admettre que les locataires qui acceptent un taudis ou qui ne réclament pas dans un délai raisonnable perdent leur droit, rendrai illusoire la proction de ceux-là même que la loi a visés.
La doctrine ainsi que la jurisprudence considérait ces normes (fédérales) régionales d’ordre public, et par conséquent, le bail conclu en violation de ces dispositions doit être frappé de nullité absolue (voy. notamment N. Bernard, « Règles régionales de salubrité, logement social et droit au logement : développements récents », in Actualités en droit du bail, B. Kohl (dir.), CUP, vol. n°147, Bruxelles, Éditions Larcier, 2014, p. 270 et les références doctrinales et jurisprudentielles citées). L’option offerte au preneur n’en était plus une.
En considérant comme d’ordre public de telles normes, le juge, étant tenu de soulever d’office la nullité du bail, empêchait toute possibilité au locataire de rester dans les lieux loués. Le régime de protection à son égard aboutissait à des conséquences défavorables : quitter les lieux et recherche d’un autre bien.
Comme tout contrat synallagmatique, le contrat de bail de résidence principale requiert pour sa validité un objet et une cause licite.
La location d’un bien qui contrevient aux règlementations urbanistiques encourt donc la sanction de la nullité. En effet, un contrat de bail est nul lorsque son objet suppose de créer, autoriser ou perpétuer une situation contraire à l’ordre public.
Contraire à l’ordre public présuppose que toute contravention aux prescriptions urbanistique n’emporte pas ipso facto la nullité du contrat de bail. Faut-il encore que la prescription violée soit de nature d’ordre public.
Dans un jugement du 8 mars 2016, le tribunal de première instance de Bruxelles fait application de ces principes en frappant de nullité le bail de résidence principale en contradiction avec la destination urbanistique qui est la sienne (rez-de-chaussée commercial).
Les juges de paix de Sprimont (Juge de paix de Sprimont, jugement du 26 mars 2019) et de Wavre (Juge de paix de Wavre, jugement du 13 juillet 2018) décident également de sanctionner les baux de nullité absolue portant sur des logements créés au sein d’un immeuble unifamilial sans qu’un permis d’urbanisme autorisant la division de l’immeuble en plusieurs logements n’ait été octroyé.
Conclure systématiquement à la nullité ne va pas sans susciter certaines réflexions au regard notamment des objectifs poursuivis par le législateur, lesquels permettent déjà au juge de moduler les conséquences de la nullité en termes de restitution, et des circonstances concrètes de l’espèce.
La nullité est une sanction qui opère avec effet rétroactif ayant comme conséquence de supprimer les effets juridiques nés du contrat, aussi bien pour l’avenir que pour le passé.
Dès lors, en cas de nullité prononcé, les parties sont tenues à des restitutions réciproques : remboursement du loyer par le bailleur et restitution par équivalent de la jouissance du bien loué par le preneur.
La restitution par équivalent consiste au paiement d’une indemnité d’occupation, laquelle correspond généralement au prix du loyer et de la gravité des manquements du bailleur à son obligation de délivrer un bien conforme aux normes administratives en vigueur.
Enfin, le juge peut également refuser la restitution au profit de l’une ou l’autre partie, voire des deux, sur base de l’adage « In Pari causa turpitudinis cessat repetitio ».
Le juge de paix de Beringen a considéré que le fait qu’aucun permis urbanistique n’ait été délivré pour l’appartement loué ne rendait pas le contrat de bail nul pour autant. Par contre, il a été relevé que le bailleur devait, en vertu de son obligation de délivrance et de fournir une jouissance paisible, veiller à ce que l’immeuble réponde aux exigences légales et dispose des autorisations requises. Ce manquement peut déboucher sur la résiliation dudit bail au tort du bailleur.
Cette approche semble être celle retenue au bail conclu en méconnaissance des règles relatives aux permis de location.
Il apparait que la nullité absolue d’un contrat ne peut en effet être couverte et une partie contractante ne peut y renoncer.
Néanmoins, force est de constater que cette solution semble critiquée par la jurisprudence et la doctrine.
Une vision plus moderne semble prendre le dessus: Une solution modulable et raisonnée selon le degré d’importance de violation des normes régionales. La sanction de la nullité absolue doit ainsi être prononcée aux violations des normes les plus essentielles ou élémentaires touchant tant l’intégrité physique qu’à la santé des habitants. Civ. Bruxelles, 19 mai 2015, RGDC, 2016).
C’est dans cette direction, plus raisonnée, que la Cour de cassation a rappelé que la sanction en cas de non-respect d’une règle d’ordre public doit contribuer à réaliser l’objectif de la norme violée et qu’il appartient dès lors au juge de personnaliser cette sanction afin de l’adapter aux circonstances spécifiques de la cause ( Cass., 7 novembre 2019).
Cette atténuation au principe de nullité d’office trouve également un fondement dans l’article 5.57 de la loi du 28 avril 2022 du Livre V du Code civil : un « contrat qui ne remplit pas les conditions requises par sa validité est nul. Toutefois, le contrat demeure valable dans les cas prévus par la loi ou lorsqu’il résulte des circonstances que la sanction de la nullité ne serait manifestement pas appropriée, eu regard au but de la règle violée ».
La théorie de l’enrichissement sans cause permet, en règle, de justifier cette obligation de restitution.
La jurisprudence fonde ainsi l’obligation de payer une indemnité d’occupation sur la base de cette théorie.
Dès lors, les sanctions les plus lourdes risque de survenir lorsque le bailleur met en location un bien irrégulier en pleine connaissance de cause (interdiction de location décrétée par un organisme de contrôle).
La nullité étant rétroactive, la restitution des prestations réciproques sera imposée: remboursement du loyer indûment perçus par le bailleur (moyennant une indemnité d’occupation) et restitution du bien loué par le preneur.