Chronique
Révision amiable
L’article 58 du décret wallon laisse aux parties la possibilité de convenir à l’amiable d’une révision du loyer initialement convenu. Néanmoins, cette faculté de révision doit être effectuée dans un délai précis, à savoir, entre le neuvième et sixième mois précédant l’expiration de chaque triennat.
Dès lors que la révision amiable ne peut intervenir qu’à l’issue d’un triennat, ce mécanisme ne peut s’appliquer qu’au bail de résidence principale d’au moins neuf années. Cela vise donc les baux de résidence principale de neuf ans, de plus de neuf ans et même les baux de résidence principale à vie.
Une révision du loyer n’est donc pas possible (et serai donc interdite) pour les baux de résidence principale de courte durée.
Néanmoins, la situation est différente lorsque le bail de courte durée est réputé conclu pour une durée de neuf ans : le loyer et les autres conditions demeurent inchangées par rapport à ceux convenus dans le bail initial (de courte durée), sans préjudice de l’application des articles 57 et 58.
L’article 58 de décret wallon vise expressément le régime de révision, amiable et judiciaire, du loyer. Par conséquent, ce régime est applicable au bail de courte durée réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans.
A noter qu’en région bruxelloise, la solution est différente à la lecture de l’article 238 du Code bruxellois du logement: cet article précise que « le loyer et les autres conditions demeurent inchangés par rapport à ceux convenus dans le bail initial de courte durée, sans préjudice de l’application de l’article 224« . Cet article 224 ne vise que l’indexation et non la révision du loyer. Cette faculté semble donc exclue en région bruxelloise. Nous précisions que la doctrine est partagée à cet égard.
Ces délais sont impératifs. Une révision en dehors de ce délai est frappée d’une nullité relative et dépourvue de force obligatoire. L’arrêt de Cour de cassation du 21 juin 2004 précise qu’il s’agit d’une disposition impérative en faveur du preneur.
En conséquence, son respect ne peut être exigé et ce, même si l’accord a été exécuté.
Il est précisé également que ce n’est pas seulement le délai légal pour demander la révision qui est impératif. La faculté elle-même de demander cette révision du loyer est également un droit impératif.
Il est donc interdit de déroger conventionnellement ou de renoncer anticipativement aux articles qui consacrent cette faculté (sauf dans un bail à vie ou un bail de rénovation).
Le seul paiement par le preneur d’un loyer supérieur en exécution d’un accord sur l’augmentation de celui-ci ne peut en effet être interprété comme couvrant la nullité de l’accord de révision intervenu hors délai.
Lors des travaux préparatoires de la loi du 20 février 1991 relative au bail de résidence principale, il a été affirmé qu’un tel accord est dépourvu de force obligatoire et ne peut être imposé, le délai endéans lequel il doit intervenir étant prescrit impérativement.
Un accord anticipé de même qu’un accord tardif obtenu sous la pression, est donc frappé de nullité relative (voy. travaux préparatoires Rapport au Sénat, p. 121, in fine; VANKERCKHOVE et ROMMEL, « Commentaires législatifs. Lois des 20 février et 1er mars 1991 modifiant et complétant les dispositions du code civil relatives aux baux à loyer », in J.T., 1991, p. 321, voy. n° 44; PAUL STRUYVEN et FRANÇOISE DE ROY, Le bail à loyer, Creadif, p. 326).
Cette solution est conforme à la ratio legis de ce délai légal : la fixation d’un tel délai est d’éviter que le preneur ne soit soumis à des pressions pour accepter, dès le début du bail, des augmentations successives à l’expiration de chaque triennat.
La doctrine et la jurisprudence semblent unanimes sur le sort à réserver à un tel accord à une exception, lorsqu’il a été avalisé par le juge de paix.
«L’accord passé hors délai, nul en principe, est de nul effet : il implique, dès lors, une reddition de comptes sur la base du loyer non révisé et il est dénué de valeur non seulement pendant le triennat en cours mais au-delà de celui-ci».
Ainsi, le tribunal civil de Mons a fait droit à l’appel des locataires et confirmé que la bailleresse ne pouvait se prévaloir de son courrier du 12 décembre 1997, ni de leurs paiements volontaires ultérieurs.
Le caractère impératif de la disposition est ainsi réaffirmé de même que la nullité d’un accord bafouant sa raison d’être, à défaut d’aval du juge cantonal dont le rôle est alors de vérifier les conditions de validité de la convention sans la remettre en cause.
Les parties peuvent valablement renoncer à la faculté de demander la révision amiable (ou judiciaire) du loyer en cas du bail conclu pour la vie du preneur. Le bailleur peut également y renoncer dans le cadre d’un bail de rénovation.
Révision judiciaire
Ce n’est qu’à défaut d’accord entre les parties que l’une d’elles peut solliciter une révision du loyer auprès du juge de paix. Selon le décret , «l’action en révision du loyer ne peut être intentée qu’entre le sixième et le troisième mois précédant l’expiration du triennat en cours».
Ce délai d’introduction est impératif et non d’ordre public. Le juge ne peut le soulever d’office. Cependant, lorsque la nullité est invoquée, le juge doit déclarer la demande irrecevable.
A la différence de l’accord amiable qui n’a d’autre condition de validité que le délai endéans lequel il doit intervenir, le juge ne pourra faire droit à l’action que si certaines conditions de fond sont remplies. Il ne pourra, en effet, accorder cette révision que si, par le fait de «circonstances nouvelles», la valeur locative normale du bien loué est supérieure ou inférieure de vingt pour-cent au moins au loyer exigible au moment de l’introduction de la demande.
Le demandeur devra apporter la preuve de la valeur locative normale, ce qui suppose à la fois une description détaillée de l’immeuble, la désignation d’un certain nombre de points de comparaison dans le quartier et la description suffisante de ceux-ci.
La notion de «circonstances nouvelles» doit s’entendre dans un sens large : circonstances de nature à influencer la valeur locative durablement, c’est-à-dire pendant au moins toute la période de trois ans à venir, et qui n’existaient pas au moment de la détermination du loyer initial.
Exceptions
Cette faculté de révision amiable ne trouve pas à s’appliquer en cas de bail à rénovation. L’article 50 du décret stipule que : « En contrepartie des travaux, le bailleur s’engage à renoncer pendant une période déterminée, à la faculté de mettre fin au bail ou à la faculté de demander la révision du loyer, ou il s’engage à concéder au preneur une diminution ou une remise de loyer« .
Sanction
Une révision amiable qui aurait été conclue après la conclusion du bail, mais en dehors du délai légal, est entachée d’une nullité relative.
L’accord passé hors délai, nul en principe, est nul d’effet.
Cette nullité relative d’un tel accord est une sanction judiciaire qui doit donc être prononcée par un juge. Cette action se prescrit par dix ans à compter de la conclusion de cet accord.
Si la nullité est invoquée avec succès par une des parties dans le cadre d’une action en nullité, il peut en résulter une reddition de comptes sur base du loyer non révisé.
C’est le jugement qui prononce cette nullité, qui fait naitre les obligations de restitution
Formalité
Le preneur est tenu d’adresser une lettre recommandée à la poste à son bailleur. Un courrier simple ou un e-mail ne suffit pas. La demande en nullité sera déclarée irrecevable si elle n’est pas précédée d’un envoi recommandé.
Résiliation amiable du bail et conclusion d’un nouveau bail
Conformément à l’ancien article 1134, al.2, du Code civil, les conventions légalement formées peuvent être révoquées par le consentement mutuel des parties contractantes (mutuus dissensus). Il s’agit d’une cause de dissolution commune à tous les baux.
En conséquence de ce qui précède, rien n’interdit aux parties qui souhaitent convenir d’une révision amiable du loyer en dehors du délai légal de résilier aimablement leur bail de résidence principale et de conclure un nouveau bail de résidence principale comportant un nouveau loyer.
Jurisprudence