1. Disposition légale
Région wallonne – Décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation
Section 9. – Transmission de l’habitation louée
Article 40.
Si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le preneur qui a un bail authentique ou dont la date est certaine, à moins que soit réservé ce droit au bailleur ou à l’acquéreur par le contrat de bail.
Article 41.
S’il a été convenu, lors du bail, qu’en cas de vente l’acquéreur pourrait expulser le preneur, et qu’il n’ait été fait aucune stipulation sur les dommages et intérêts, le bailleur est tenu de l’indemniser d’un montant égal au prix du loyer, pendant le temps qui, suivant le présent décret ou le contrat de bail est accordé entre le congé et la sortie.
Article 42.
L’acquéreur qui veut user de la faculté, réservée par le bail, d’expulser le preneur en cas de vente, est, en outre, tenu de l’en avertir dans les délais prévus par le présent décret ou le contrat de bail.
Article 43.
Les preneurs ne peuvent être expulsés tant qu’ils n’ont pas reçus les dommages et intérêts prévus à l’article 41, soit du bailleur ou, à défaut, du nouvel acquéreur.
Article 44.
Si le bail n’est pas fait par acte authentique, ou n’a point de date certaine, l’acquéreur n’est tenu d’aucun dommages et intérêts.
Article 45.
L’acquéreur à pacte de rachat ne peut user de la faculté d’expulser le preneur, jusqu’à ce que, par l’expiration du délai fixé pour le réméré, il devienne propriétaire incommutable.
2. Chronique
Tout d’abord, l’article 40 du décret n’est ni d’ordre public ni impératif. Les parties sont donc pleinement libre d’y renoncer ou d’aménager des clauses dérogatoires.
Le bailleur a donc la faculté d’insérer dans la convention de vente une clause de maintien ou d’entretien du bail.
Une telle clause a pour effet que l’acquéreur renonce dans l’acte de vente au bénéfice de l’article 40 du décret. Ce dernier doit dès lors respecter le contrat de bail en cours et ce, même si celui-ci ne présente aucun date de certaine.
Un contrat de bail peut également prévoir l’expulsion du locataire dans l’hypothèse où le bail aurait date certaine en cas de vente du bien loué (ou une partie cass 26 mai 1955)
L’acquéreur dispose ainsi d’une faculté de résiliation unilatérale anticipée.
Néanmoins, cette faculté est subordonnée à deux conditions :
– l’acquéreur doit respecter un préavis
– le preneur dispose d’un droit de rétention si l’indemnité d’éviction qui lui est due ne lui a pas été octroyée.
En cas d’expulsion, le contrat de bail (ou à défaut de stipulation en ce sens, le législateur) accorde une indemnité correspondant au montant égal au prix du loyer, pendant le temps qui est accordé entre le congé et la sortie.
L’article 43 du décret prévoit ce pouvoir de rétention du preneur : le locataire ne peut être expulsé tant que les dommages et intérêts dus conventionnellement ou légalement ne lui ont pas été versés.
Date de prise de cours du délai de préavis
Lors de l’aliénation d’un bien loué, l’acquéreur est subrogé aux droits et obligations du bailleur lorsque le bail a date certaine antérieurement à l’aliénation du bien loué. Cette subrogation s’opère à la date de passation de l’acte authentique et non à la date de transcription de l’acte authentique (Voy. J.P., Saint-Gilles, 12 octobre 2000, R.G.D.C., 2001).
Obligation de réparation
Le bailleur est toujours tenu de son obligation de réparation jusqu’à la vente. A partir de ce moment, l’acquéreur étant subrogé dans les droits du vendeur, c’est ce dernier qui est tenu de cette obligation.
Dans un jugement, le juge de paix de Fléron a prononcé la résolution au tort de l’acheteuse bien que le trouble de jouissance ait été antérieure à la passation de l’acte authentique. Pour justifier cette décision, le juge a estimé que les anciens bailleurs n’avaient plus cette qualité (de bailleurs) à la date sollicitée pour la résolution. Le juge a toutefois fait droit à l’action en garantie intentée à leur égard par l’acheteuse (J.P. Fléron, 28 octobre 2014, J.J.P., 2016/5-6).
Garantie locative
L’acquéreur étant subrogé dans les droits et obligations du vendeur, celui-ci est tenu de restituer la garantie locative au locataire (mécanisme de la subrogation de plein droit). Cependant, il se peut que le bailleur n’ait pas transmis cette garantie à l’acquéreur-bailleur. A ce titre, le bailleur originaire qui a conservé les sommes au titre de garantie locative répond seul de sa restitution, et ce malgré l’aliénation du bien loué J.P. Liège, 14 février 2002, Echos log., 2002; cass. 27 juin 1946, Pas. 1946).
Dol de la part du vendeur
Il a été jugé que » Lorsque le contrat de vente d’immeuble ne contient aucune mention de l’existence éventuelle d’un bail, qu’il précise que l’acquéreur aura la jouissance du bien vendu et sa libre disposition à dater du jour de la signature de l’acte authentique (cette clause ne se concevant que lorsque l’immeuble est libre d’occupation) et que l’acquéreur est un commerçant, ce dernier ne peut prétendre à l’existence d’un dol dans le chef du vendeur consistant dans le fait de ne pas lui avoir indiqué qu’il avait été mis fin au contrat de bail commercial portant sur le bien peu de temps avant la vente » (Tribunal civil de Bruxelles, Jugement du 29 novembre 2010).